Le 12e SoBD (Salon des Ouvrages sur la Bande Dessinée) s’est tenu du 2 au 4 décembre 2022, et même sur une période un peu plus large si l’on y ajoute quelques rencontres et expositions pré et post-salon. Située en plein cœur de Paris, cette édition fut, comme les précédentes, joyeuse et diverse, et ouverte à toutes les bourses puisqu’hormis les master class, tout est gratuit (accès aux stands, expositions, ateliers, bibliothèque éphémère, rencontres).
Les invités d’honneur étaient cette année la scénariste Loo Hui Phang (qui travailla avec Jean-Pierre Duffour, Hugues Micol, Philippe Dupuy, Frederik Peeters, etc.), lauréate du Prix René Goscinny en 2021, et Pierre Fresnault-Deruelle, précurseurs d’études universitaires sur la bande dessinée dès les années 1970.
Le pays invité était la Tchéquie dont on ignore à peu près tout de la production de bande dessinée, hormis quelques titres épars. Une présentation publique des artistes ayant fait le déplacement à Paris avait eu lieu le 29 novembre au Centre culturel tchèque, retransmise dans une vidéo intégrée à l’exposition proposée à l’entrée du salon.
Gilles Rochier, actuellement en résidence dans un quartier populaire d’Argenteuil, bénéficiait d’une exposition et d’un stand proposant ses divers albums.
Outre les tables rondes consacrées aux invités d’honneur et à la Tchéquie, se tenaient celles réservées, d’une part aux études et discours sur la bande dessinée, d’autre part aux pratiques traditionnelles ou nouvelles de fabrication de la bande dessinée. Comme chaque année, la revue de littérature faisant l’objet d’un échange sur quelques ouvrages (biographiques, historiques, universitaires, etc.) sur la bande dessinée parus depuis douze mois sera retranscrite l’année prochaine sur le site du9.
Bananas, de son côté, pourrait reprendre dans son n°16, à paraître en février 2024, le débat sur « le roman-photo, une des formes de la BD ».
À moins d’un miracle, il sera malheureusement impossible de retranscrire celui sur « la bande dessinée dans la presse féminine », suite à un problème technique d’enregistrement.
Autre retranscription envisagée, celui sur « les bandes dessinées improbables », qui désignent, selon moi, une catégorie n’appartenant pas à la production « commerciale » ou « auteuriste » (pour employer des termes caricaturaux mais que tout le monde comprend), à savoir des albums souvent à caractère publicitaire ou pédagogique, généralement à très faible valeur artistique. Mais la pagination et la périodicité de Bananas étant fort limitées, il faudra faire de douloureux choix…
Cette année, le SoBD co-organisa plusieurs événements autour de la mythique émission Tac au Tac qui, de 1969 à 1975, présenta à la télévision française, parfois à des heures de grande écoute, un cadavre exquis graphique avec des participants d’une grande variété appartenant à la fois à la bande dessinée (Gotlib, Druillet, Bretécher, Forest, Giraud, Franquin, Uderzo… mais aussi Hogarth, Buscema, Kubert !), à l’illustration (Topor), au dessin de presse et d’humour (Piem, Siné, Faizant) et à la caricature (Mulatier) : le 28 novembre, table-ronde à la BPI du Centre Pompidou, avec projection d’extraits d’émissions (y compris appartenant à la seconde saison de 2018) ; le 30 novembre, journée d’étude à l’Université Sorbonne Nouvelle, en présence d’universitaires (Sylvain Lesage, Jean-Paul Gabilliet, Eric Maigret, etc.) et d’intervenants variés.
Parmi les exposants, étaient représentés à la fois les éditeurs alternatifs (Cambourakis, FLBLB, Ilatina, La Cafetière, Le Lézard Noir, Tanibis, etc.), patrimoniaux ou semi-patrimoniaux (Delirium pour le domaine américain, Hibou pour le domaine franco-belge, Fordis pour le domaine franco-italien, etc.), les fanzines de création et la « petite presse », regroupés dans la catégorie « underground » dans le programme SoBD (Cabot Comix, Egoscopic, LGBT BD, productions Laurent Lolmède, etc.) et les fanzines et revues d’information ou d’études, intégrés dans la catégorie « stripologie » (Zoo, Gorgonzola, Papiers Nickelés, Tonnerre de bulles !, etc.).
Il y avait bien évidemment le stand stripologie.com présentant une large échantillon de livres et revues sur la bande dessinée (didactiques, théoriques, historiques, biographiques, etc.) faisant une large place à la plus importante collection française en ce domaine, « Mémoire vive » des éditions PLG, ainsi qu’à Bananas.
Les Italiens de Tavole Originali s’étaient déplacés pour la première fois en France pour vendre des originaux de dessinateurs prestigieux (Breccia, Buzzelli, etc.) à des prix très raisonnables. Satisfaits de ce salon, ils ont prévu de revenir l’année prochaine, probablement comme la quasi-totalité des exposants et des nombreux visiteurs. En espérant que ceux qui n’ont pu être présents cette année pour cause de grève SNCF (comme Benoît Barale, qui devait participer à deux tables rondes) pourront le faire en 2023.
Le Prix Papiers Nickelés / SoBD récompensant un livre consacré au dessin imprimé sous toutes ses formes s’est scindé en deux depuis cette année, ce qui permettra d’avoir chaque année au moins un prix décerné à un ouvrage sur la bande dessinée.
Le Prix SoBD (exclusivement consacré à un livre sur la bande dessinée) a été décerné au cours du salon, le 4 décembre, à Shop Talk, de Will Eisner, qui regroupe des entretiens avec Milton Caniff, Jack Davis, Harvey Kurtzman, etc.
Le Prix Papiers Nickelés a été décerné au cours de la fête annuelle de la revue, le 26 novembre, à Albert Robida, de la satire à l’anticipation, livre collectif sous la direction de Claire Barel-Moisan et Matthieu Letourneux.
Le FIBD (Festival International de la Bande Dessinée) fêtera ses 50 ans du 26 au 29 janvier 2023. Cette édition annoncée comme extraordinaire a été présentée lors d’une conférence de presse le 28 novembre à la BNF, dans une salle magnifique, quoique peu adaptée à la présence d’écrans (leur taille, bien trop petite, ne permettait pas un confort visuel satisfaisant). S’il faut saluer la volonté des organisateurs du salon de se tourner vers l’avenir, qu’il s’agisse de nouveaux auteurs ou de nouvelles technologies, il est un peu stupéfiant (pour ne pas dire incompréhensible et même stupide) de faire aussi peu de cas du passé, comme s’il ne s’agissait que de vieilleries (productions et auteurs) n’ayant plus grand intérêt. Concernant plus précisément l’histoire du Festival, il faudra assurément se contenter du livre édité par PLG (et co-édité par l’Association du FIBD, présidée par Delphine Groux, distincte de 9e Art+, la société organisatrice dirigée par Franck Bondoux).
Le moment le plus attendu de cette conférence de presse (en dehors du buffet qui suit les présentations des organisateurs et sponsors…) était l’annonce des titres sélectionnés pour les prix. Comme précédemment, le choix favorisait les nouveaux auteurs de la sphère alternative, ce qui est une bonne chose… à condition de ne pas entièrement sacrifier des œuvres de qualité moins confidentielle. D’où cette question assez légitime de Didier Pasamonik, sur son site actuabd : « Pourquoi un Prix révélation alors que la plupart des titres sélectionnés n’avaient pas été lus parmi les personnes présentes ? ». Étant dans ce cas, je me garderai bien de donner un avis tranché sur la sélection. Je reste néanmoins perplexe en constatant que des livres édités par de gros éditeurs, à l’évidence de très grande qualité, sont de nouveau exclus (exemple pour 2022 : Le poids des héros de David Sala, auteur Casterman par ailleurs exposé au 39e festival BD BOUM de Blois, et jusqu’au 7 janvier 2023 à la bibliothèque Abbé-Grégoire).
Côté expositions, l’événement phare sera consacré au best-seller L’Attaque des Titans. Plus Julie Doucet, Marguerite Abouet, Bastien Vivès, Philippe Druillet, Ikegami, Itô et quelques autres.
Côté rencontres, les choix ne sont pas encore connus mais ils se porteront sans doute sur quelques stars ou personnalités médiatiques, pas nécessairement inintéressantes au demeurant. Les rencontres plus décalées et originales qui, ces dernières années, n’ont pas semblé passionner les responsables du Festival, comme celles organisées au Conservatoire de musique par exemple, disparaissent d’ailleurs de la programmation.
Si le SoBD est autrement plus chaleureux que le FIBD, la taille de ce dernier permet néanmoins à chaque festivalier d’y trouver largement son compte. À condition de trouver un hébergement et… que la nouvelle vague de Covid qui démarre actuellement ne vienne pas gâcher la fête.
Dois-je continuer à vous informer, chaque année, de la parution des Archives du Père Jeff, présentant les manuscrits, planches et dessins originaux de Jean-François Douvry, dès lors que le périodique est hors-commerce ? J’ai un doute… Au cas où, dans le futur, le descendant d’un destinataire défunt mette le n°10 en vente, sachez qu’il contient des planches de Cézard, Druillet, Dut, Erik, Micheluzzi, Sirius, etc.