Le Pinocchio de Luciano Bottaro, dont la sortie avait été annoncée dès février 2020 dans le Bananas 12, est finalement sorti avec plus de deux ans de retard. Je confirme que l’adaptation du maestro est splendide, mais le travail éditorial des éditions Caurette l’est tout autant. Cette luxueuse édition de 112 pages au format 30 X 40, hélas limitée à 300 exemplaires, contient outre le récit lui-même en noir et blanc, une préface de Manuel Hirtz et Harry Morgan, un court texte de votre serviteur et un cahier graphique.
Autre trésor patrimonial (que je n’ai pas encore eu entre les mains) : le deuxième volume de l’intégrale Les Pionniers de l’Espérance, paru aux éditions Fordis. Numéroté « volume XI », l’éditeur ayant fait le choix judicieux de commencer par sortir les épisodes inédits en albums, il porte sur la période 1970/début 1971. Ces récits de science-fiction parus dans Pif Gadget il y a 50 ans n’avaient jamais été réédités.
A peine achevé le BD COMIC STRIP FESTIVAL de Bruxelles, qui s’est tenu du 9 au 11 septembre, et qui revendique 50.000 visiteurs, 90 stands, 250 auteurs, 12 expositions et, cela a l’air important puisque signalé, 350 séances de dédicaces, et avant le SoBD de début décembre à Paris, se tiendra, également à Paris, le 10e FORMULA BULLA, du 22 au 25 septembre. Ayant égaré le communiqué de presse de ce festival toujours orienté vers la bande dessinée contemporaine et alternative, je me suis reporté à leur site qui annonce, parmi une flopée d’invités, Killoffer, Claveloux, Goossens, Méthé, Cizo, Cilluffo, Quievreux, Van Hasselt, Poincelet, ainsi que Forest, Gébé et Norbert Moutier. Les trois derniers ne seront pas présents physiquement, à moins d’une énorme surprise, mais je suppose qu’ils feront l’objet d’un débat ou d’une exposition.
C’est une certitude pour Norbert Moutier car la seule chose du programme gardée en mémoire est une exposition consacrée à ce libraire, grand amateur de bande dessinée et de cinéma bis.
L’année dernière, à ce même festival, Yacine de Vos, dessinateur et animateur des éditions L’Articho (de nouveau présent cette année), m’a raconté une histoire extraordinaire : lorsqu’il était enfant, Norbert Moutier a dessiné plus d’un millier de fascicules de bande dessinée qui ont été retrouvés après sa mort, début 2020. Yacine devait me mettre en contact avec le découvreur de trésor en vue d’un article dans Bananas mais il n’y a pas eu de suite.
Formula Bulla, MÉDIATHÈQUE FRANÇOISE SAGAN, 8 RUE LÉON SCHWARTZENBERG, 75010 PARIS (Voie piétonne, pas facile à trouver !)
Il y a de plus en plus de dessinateurs invités dans les émissions de radio. Parmi ceux que j’ai pris plaisir à écouter, je signale qu’Étienne Davodeau a été invité sur France-Inter pour parler de sa longue marche qui l’a mené des grottes dites préhistoriques du Lot au site du projet d’enfouissement de déchets nucléaires de Bure, dans la Meuse.
« Dormir à la belle étoile, dans les forêts, ou dans les champs, c’est se rappeler de notre condition d’Homo Sapiens. Cela nous rapproche de la personne qui a dessiné sa main il y a 22 millions d’années sur la paroi d’une grotte à Pech Merle. Et c’est une attitude commune avec ces gens qui, dans des centaines de milliers d’années, vont se demander quoi faire de ces déchets enterrés sur le site de Bure. »
« Quand on marche, on trace une ligne. On n’est d’ailleurs pas loin du dessin. »
… et que bienvenus au (Book) Club de France Culture, Olivier Schwartz et Mathieu Sapin ont évoqué les personnages de bande dessinée qui les avaient marqués.
J’ai également entendu Lisa Mandel parler, sur France-Inter ou France-Culture, du comité de lecture de sa maison d’édition qui inclut un quota significatif de gros et de LGBT mais pêche par une sur-représentation de blancs. Sans commentaire.
Comme il n’y a pas que des émissions Radio France, je signale également l’entretien avec l’historienne Jessica Kohn qui, travaillant pour sa thèse sur l’histoire de la bande dessinée franco-belge entre 1945 et 1975, vue sous l’angle social, a découvert bien plus de dessinatrices que ce qu’on lui avait annoncé.
https://www.avoir-alire.com/dans-ma-bulle-59-rencontre-avec-jessica-kohn
Il est possible qu’elle surestime l’importance des femmes dessinatrices durant cette période même si son corpus a été établi de manière scientifique. Mais avant de creuser la question et d’entamer le débat, il faut commencer par le commencement et soutenir tout ce qui peut redonner de la visibilité à ces femmes que les commentateurs de bande dessinée (à l’exception de quelques spécialistes) ont honteusement et pathétiquement invisibilisées.
Le livre extrait de la thèse, publié cette année (Dessiner des petits mickeys, éditions de la Sorbonne) a fait l’objet d’une longue critique dans le prochain Bananas (à paraître en février 2023, avec une possible avant-première au SoBD dès décembre). Ce même numéro retranscrira également une table ronde SoBD, à laquelle l’historienne a participé, sur une autre oubliée de l’historiographie de la bande dessinée : la presse quotidienne.
Le n°122 daté de mai 2022 de Fumetto est largement consacrée à Richard Corben. On y apprend également qu’en Italie, comme en France, la bande dessinée dans les années 1950 n’était pas toujours appréciée des associations familiales et des personnalités politiques.
Le chaos mondial engendré par la guerre en Ukraine a provoqué une flambée des cours du papier. Mais cela ne s’est pas traduit par un effondrement de la production de bande dessinée. Si j’en crois le programme des sorties pour la période août/septembre 2022 publié dans le n°144 de Canal BD, le magazine des libraires du même nom, en comparaison avec la même période de 2019 (pour neutraliser l’effet Covid), le nombre de titres est toujours de l’ordre de 600, hors manga. Un comptage plus précis aboutit à une baisse de 4 %, mais l’échantillon ne portant que sur deux mois, ce % n’est pas significatif. La surproduction et le pilon ont encore de beaux jours devant eux.
Dans ce même magazine, entretien avec Alison Bechdel qui cite Astérix comme l’un de ses premiers souvenirs de lectrices, à l’occasion d’un voyage familial en France à l’age de 6 ans, et qui souhaite aujourd’hui être plus reconnue comme une « artiste américaine » que comme une « lesbienne dessinatrice ».
Pas encore lu le n°19 des Cahiers de la BD, malgré un sommaire moins original que celui de Bananas mais néanmoins alléchant : Emile Bravo, Julie Doucet, Rossi, Joe Matt, etc. Plus Bernard Joubert qui revient sur les censures opérées dans les versions françaises de Spider-Man. Comme la revue est trimestrielle, je me dis toujours que j’ai le temps de m’y plonger avant l’arrivée du numéro suivant. Bananas étant annuel, j’espère que ses lecteurs ne font pas la même chose et ne finissent pas par oublier de le lire.