Marti, autoportrait

Le dessinateur espagnol Marti est mort le 19 janvier dernier. Collaborateur de la revue El Vibora, il a fait partie de la vague underground qui a déferlé sur l’Espagne au moment où celle-ci s’essoufflait aux États-Unis et en France. Décalage évidemment explicable par la durée de la dictature franquiste qui n’a pris fin qu’avec la mort du dictateur.

En France, c’est l’incontournable Willem qui l’a publié la première fois en 1981 dans Charlie Mensuel. En 1984, le mensuel Zoulou entame la publication de Taxista qui reste son œuvre la plus connue (inspirée sur le plan graphique et le degré de violence sur le Dick Tracy de Chester Gould) et qui fera l’objet d’un album chez Artefact, maison d’édition féru d’underground qui a auparavant participé à faire connaître la vague hollandaise. Il faudra attendre 1995 et la deuxième série de Bananas pour découvrir de nouvelles histoires brèves de Marti, traduites d’El Vibora.

Outre Calvario Hills passé inaperçu (Vertige Graphic , 2008), deux titres ont été publiés chez Cornélius : Taxista (version intégrale) et Docteur Vertigo.

Important : les albums Cornélius sont toujours disponibles. Il reste également quelques exemplaires des Bananas n°2 à 4 de 1995 (voir la boutique de ce site).

Autre disparu, Alfredo Castelli le 7 février. Il est principalement connu en France comme scénariste des Aristocrates (avec Fernandino Tacconi), rebaptisés dans un second temps les Gentlemen, publiés dans Pif Gadget en 1975 puis dans Super-As et enfin en albums entre 1979 et 1982, ainsi que de Martin Mystère (créé avec Giancarlo Alessandrini en 1982 en Italie où il connut un très grand succès) édité à partir de 1993 en album chez Glénat en partenariat avec l’éditeur italien Bonelli.

C’est d’ailleurs dans les « petits formats » alimentés par les séries italiennes Bonelli qu’il aura le plus publié en France, mais de manière anonyme puisque les histoires seront longtemps traduites sans mention d’auteurs (les Aristocrates et Martin Mystère déjà cités, Zagor, Mister No, etc.). Alfredo Castelli a également dirigé diverses revues pour enfant ou adulte, et été journaliste et historien de la bande dessinée.

Brochure sur l’histoire de la bande dessinée italienne co-réalisée par Alfredo Castelli et Gianni Bono pour la San Diego International Comic Con de 1998.

Il est par ailleurs considéré comme le co-créateur en 1966 du premier fanzine italien, Comics Club 104.

Les Trésors de Picsoun°65 de ce trimestre publie cinq récits dessinés par Luciano Bottaro entre 1952 et 1968, soit 185 planches si j’ai bien compté, pour un prix imbattable de 6,95 euros. En complément, deux articles d’Arnaud Hilmarcher présentent le maître italien et son personnage fétiche : Pepito.

Pepito dont on trouve un long récit de 26 planches en noir et blanc dans le 13e (et ultime, du moins sous cette forme) numéro de Nicole (304 pages également vendues à un prix tout aussi imbattable de 14,50 euros). Une version couleur de cet épisode qui date de 1968 sera publiée sous peu dans le 3e volume des aventures du sympathique pirate, chez Cornélius.

Pour qui ferait une lecture concomitante des Donald et Pepito de Bottaro, la parenté évidente entre les deux univers paraîtra éclatante.

L’un des attraits de Nicole est de faire chaque année le bilan de l’année écoulée, avec la certitude d’apprendre quelque chose, même pour les mieux informés. Si le ton sarcastique persiste, il m’a semblé qu’il a perdu cette année un peu de sa drôlerie habituelle. Mais peut-être que la période, en effet, ne donne pas trop envie de rire. Revenant sur les événements de janvier (2013), « l’affaire Vivès » est bien évidemment évoquée comme un moment de grande confusion où s’écharpent pro et anti, encore que l’auteur de l’article insiste bien sur l’hétérogénéité des protagonistes. S’il ne prend pas le risque d’affirmer son propre point de vue, je comprends cependant qu’il ne partage pas l’avis des signataires de la pétition réclamant une charte d’engagement du Festival d’Angoulême pour que la programmation respecte « le droit des personnes minorisées » et « l’égalité de leurs représentations ». Ce qui derrière une intention respectable est une porte ouverte à toutes les abus et un feu vert à la justification de l’effacement de la quasi-totalité du patrimoine de la bande dessinée, pour peu que l’on convoque le combat contre le « privilège blanc » ou le « test de Bechdel » (dont les critères sont : au moins deux femmes nommées dans une œuvre, qui parlent ensemble et de sujets sans rapport avec un homme). Test au concept par ailleurs très pertinent mais dangereux s’il devait être utilisé comme justification à la non-tenue d’une exposition ou à la non-édition ou réédition d’une œuvre. Je me demande d’ailleurs si la prudence du rédacteur du bilan 2023 est sans lien avec le fait que bon nombre des pétitionnaires et nouveaux potentiels censeurs sont sur-représentés dans Nicole (Panique, Lassus, Preteseille, Thomas, Roussin, Gleason). C’est juste une question puisque le ton ironique et distancié utilisé dans l’article peut raisonnablement justifier une absence de prise de position explicite.

À noter que ce numéro publie de nombreuses pages de Petit-Roulet, un auteur Cornélius décédé dans l’année, dont les travaux de bande dessinée et de dessin de presse sont bien trop passés sous silence.

CBD n°25

Du côté de la concurrence, je signale un article sur Charlie Mensuel dans le n°25 des Cahiers de la BD.

dBD n°105

Son auteur, Bernard Joubert, ignorait que le sujet avait déjà été traité en juillet-août 2016 dans le n°105 de dBD (toujours disponible – et à prix réduit – chez l’éditeur pour qui voudrait comparer les deux contributions, même si les points de vue exprimés sont très proches). Les fans absolus de la possible meilleure revue française des années 1970 pourront même essayer, mais c’est plus difficile, de se procurer le n°101 du Collectionneur de bandes dessinées paru en 2004 qui contient une version longue de l’article de dBD.

dBD n°180

dBD se concentre désormais sur la seule actualité, délaissant totalement le patrimoine, ce qui, il est vrai, est largement suffisant pour remplir une revue. Même lorsque le Blake et Mortimer de Jacobs est au sommaire, c’est sous l’aspect le plus contemporain (le scandale des ventes de planches volées à la fondation qui porte son nom). Voir le dossier « Jacobs et les pilleurs de tombe », de Frédéric Bosser, publié le mois dernier dans le n°180.

Exposition Daniel Clowes, Galerie Martel Paris, en février 2024.

Les deux lauréats de la 51e édition du FIBD d’Angoulême, Posy Simmonds (Grand Prix de la ville) et Daniel Clowes (Prix du meilleur album) étaient absents pour raison de santé. Mais ils ont eu néanmoins de nombreuses occasions de s’exprimer dans les médias, avant et après, notamment sur France-Culture.

Par exemple, pour la première, dans Les midis de Culture du 23 février.

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-midis-de-culture/posy-simmonds-grand-prix-du-festival-d-angouleme-5464368

Et, pour le second, dans Affaires culturelles du 13 février.

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/affaires-culturelles/affaires-culturelles-emission-du-mardi-13-fevrier-2024-8227690

Je ne cite ici que les derniers entretiens. D’autres ont été réalisés précédemment, dans d’autres émissions de cette même radio.