
Curieux comme les gros médias français, pourtant généralement accusés de parisianisme, ont écrit des tartines à n’en plus finir sur le Festival d’Angoulême, et n’ont prêté aucune attention au SoBD qui se tenait pour la 15e fois à Paris le premier week-end de décembre, du vendredi 5 au dimanche 7. Formula Bula qui s’en est inspiré s’est également tenu dans la capitale en septembre sans susciter plus d’intérêt médiatique. Et que dire des manifestations dites provinciales organisées chaque année à Saint-Malo et Blois dont les festivaliers reviennent toujours enchantés ? Il faut croire que la bande dessinée est un trop petit sujet d’intérêt pour la mettre en lumière plus d’une fois par an.

Reste le plus important : cette 15e édition a une nouvelle fois été une grande réussite, et ce constat à ma connaissance unanimement partagé, n’est en rien biaisé par le fait que je fasse partie de l’équipe des bénévoles qui aide à sa tenue. Ni même que le stand de la librairie en ligne stripologie.com accueille généreusement la revue Bananas, au milieu de livres pédagogiques, historiques, critiques, biographiques et j’en passe.

Sur ce stand cette année, il y avait en outre la quasi-totalité des numéros de la défunte revue de référence Hop ! incluant des parutions épuisées depuis des dizaines d’années. Ils ont fait le bonheur des amateurs qui sont partis avec des quantités parfois impressionnantes. Si vous avez loupé l’occasion, ou si l’on vous a soufflé des numéros recherchés, point n’est besoin d’attendre l’année prochaine car ils peuvent être commandés via le groupe PLG de Facebook.

Cette année, le pays invité était le Chili. Comme pour les précédentes éditions, le salon était précédé quelques jours plus tôt d’une journée d’étude, avec conférences brèves et tables rondes. Accueillis à la Maison de l’Amérique Latine à Paris, nous eûmes droit notamment à une étonnante contribution de Claudio Aguilera nommée « Rahan contre Pinochet », et apprîmes du même coup que le fils des âges farouches, star de Pif Gadget d’obédience communiste, fut traduit sous la dictature sans trop de difficultés. Il est vrai que l’hebdomadaire français à succès n’a jamais proposé de contenu marxiste révolutionnaire mais s’en tenait à promouvoir des valeurs dites progressistes beaucoup plus larges qui n’ont pas retenu l’attention des censeurs du régime. Tant mieux pour les jeunes lecteurs chiliens.
Quoi d’autres ? Le programme accordait une grande place aux créatrices. Et un panorama des images du Chili dans la bande dessinée française nous fut proposé en fin de journée, critiquant parfois certaines représentations.
La bande dessinée chilienne bénéficiait d’une exposition et d’un stand de bandes dessinées locales, à l’entrée du salon, et d’un cycle de conférences organisées la journée du dimanche. Toujours avec l’objectif de faire mieux connaître à la fois un patrimoine et la production la plus contemporaine. Ceux qui auront manqué l’événement pourront se rattraper en lisant le livre consacré à la bande dessinée chilienne, édité il y a quelques années chez PLG.

En choisissant Anne Simon comme invitée d’honneur, nul doute que le FIBD aura permis à beaucoup de découvrir une dessinatrice qui s’est donnée pour objectif de réaliser une série en dix volumes, Les Contes du Marylène, dont six déjà parus chez Misma, aux accents féministes très marqués, de très agréable lecture. Exposition, cycle de conférences, master class, sans oublier un commentaire de quelques-unes de ses planches, proposé par trois intervenants. La dessinatrice était présente, ce qui lui a permis d’ajouter quelques précisions utiles, dont une assez amusante puisqu’elle justifia la présence de deux colonnes grecques (ou pas) délimitant une planche qui venaient de faire l’objet d’interprétations diverses, … par la seule nécessité de remplir un vide résultant d’une erreur de format.

L’exposition consacrée aux éditions Artima fut commentée le samedi par Jean-Pierre Dionnet, et Benoît Bonte, auteur d’un livre consacré à cet éditeur populaire (Planète Arédit) longuement louangé dans le n°18 de Bananas.

Deux prix furent remis lors de cette édition. Après F’Murrr en 2006 et Cosey en 2016, c’est Lisa Mandel qui a été récompensée du Prix Super Tournesol, remis tous les 10 ans à un auteur dont le travail « exprime les valeurs de l’écologie politique ».
Quant au Prix SoBD – Neuvième Art, il a de nouveau été remis à un livre universitaire : La bande dessinée en Asie orientale, un art en mouvement, réalisé sous la direction de Julien Bouvard, Norbert Danysz et Marie Laureillard, publié chez Maisonneuve & Larose / Hémisphère dans la collection « Asie en perspective ».Les organisateurs ont précisé que ce livre avait été choisi parmi 74 autres recensés, parus depuis 12 mois.


Le SoBD fait parti de ces salons où règne une grande convivialité. Si les exposants sont souvent issus de la mouvante alternative (Cà et Là, Ilatina, l’Apocalypse, Les Rêveurs, Misma, La Cafetière, Tanibis, etc.), il y a aussi les éditions Hibou qui rééditent de la bande dessinée classique souvent issue de Tintin, Spirou, Pif, avec des petits tirages mais des prix beaucoup plus bas que ces concurrents directs, voire plus bas que la plupart des autres éditeurs. Sans oublier les Presses universitaires François-Rabelais, les livres d’études en espagnol, les fanzines et assimilés (avec le retour du Lézard après des décennies d’absence, dont la revue homonyme était proche du Lapin de L’Association, et qui fut co-éditeur avec cette dernière des 500 pages du premier Lapinot de Lewis Trondheim en 1992).

Je n’oublie pas non plus les revues d’informations ou d’études : dBD, Tonnerres de bulles (avec une interview d’Hugot, complémentaire de celle publiée dans le n° 18 de Bananas réalisée quelques mois auparavant), Le Dessableur (Prix Papiers Nickelés de la revue) et Papiers Nickelés dont l’objet est plus large que la seule bande dessinée et dont le numéro daté décembre n’était pas encore paru.

Et bien sûr, comme chaque année, Bananas présentait en avant-première son prochain numéro à paraître (le 18). Si vous l’avez loupé au SoBD, il vous faudra un peu de patience car il ne sera disponible en librairie et sur la boutique de ce site qu’à partir du 6 février 2026.

Le SoBD 2025 est déjà fini, ou presque puisque deux événements sont encore prévus à Paris à la Galerie Cécilia F. dont, du samedi 13 au dimanche 21 décembre, l’exposition-vente rétrospective de l’aventure Déconfetti, du nom du fanzine numérique né dans la période COVID et ayant produit environ 700 planches de bande dessinée. Plus d’informations sur https://sobd2025.com/les-expos/deconfetti/