Le covid-19 a généré quelques retards dans la parution des périodiques consacrés à la bande dessinée. Le magazine gratuit Zoo dont le dernier numéro était paru en mars a purement et simplement supprimé celui qui était prévu pour juillet. Autre gratuit, Canal BD, distribué dans les 130 librairies indépendantes du groupement, a supprimé celui d’avril-mai. Le prochain qui couvrira juin-juillet intègrera les sorties de mai. L’Avis des bulles a sorti un numéro double (237-238) couvrant avril-mai.  dBD a fait de même, son numéro 143 couvrant mai et juin, avec une couverture rendant hommage à Albert Uderzo.

Pour les périodiques non liés à l’actualité,  Les Cahiers de la BD publient leur numéro 11, daté juin/juillet/août,  avec deux mois de retard. Nos amis italiens de Fumetto ont rencontré des soucis similaires. Leur numéro n°113 de mars, en partie consacré à Alex Toth et Neal Adams,  qui devait sortir à l’occasion d’une foire de collectionneurs à Lucca (reportée à février 2021), sera envoyé aux abonnés en juin avec le n°114. www.amicidelfumetto.it

Bananas aura donc été le seul à paraître sans décalage. Bon, d’accord, étant annuel, ce n’est pas un réel exploit…

Quant à HOP ! il a renoncé à mentionner le mois de parution (théorique) en couverture, tant les retards cumulés sont importants : le n°163 paru dès le début du déconfinement, mi-mai, correspond à… septembre 2019. N’étant pas réellement lié à l’actualité, ce n’est guère dommageable. Au sommaire de ce numéro consacré à Marc Wasterlain,  Jean-Jacques Lalanne retrace avec précision le parcours du créateur de Docteur Poche et de Jeannette Pointu. Ce dessinateur reste l’une des rares grandes révélations ayant surgit dans les années 1970 dans les hebdomadaires pour la jeunesse, à une période où l’essentiel de la créativité en matière de bande dessinée se concentrait dans les nouveaux supports pour adultes.  Comme habituellement, une solide  bibliographie clôt le dossier.

En complément, outres les rubriques habituelles d’information (dont les albums « patrimoniaux » et les nécrologies), article et bibliographie consacrés à un western italien des années 1950, Kid Oklahoma, dont le héros a la particularité d’être un jeune indien combattant aux côtés des Sudistes. Hop ! 56 boulevard Lintilhac, 15000 Aurillac. Règlement par chèque ou mandat (à l’ordre de  AEMEGBD) au prix de 8,00 euros + 3,80 euros de port.

Ces derniers mois, la rubrique patrimoine du site bdzoom a été particulièrement  productive. C’est l’un des rares supports qui a l’air de savoir que la bande dessinée franco-belge du XXe siècle ne s’est pas résumée à Spirou/Tintin/Pilote/L’Echo des Savanes/Métal Hurlant/A Suivre. Ses dossiers consacrés aux dessinateurs (et dessinatrices, parce qu’en outre, bdzoomm sait aussi que Claire Bretécher, pour ne pas parler de Marjane Satrapi, n’est pas la première dessinatrice) sont abondamment illustrés. Pierdec, Yvan Marié, Solveg, Robert Moreau, Dut et bien d’autres sortent de l’oubli grâce à Henri Filippini et Gilles Ratier. Je signale en outre que si la plupart des protagonistes sont morts, le site a retrouvé la trace de Janine Lay, âgée aujourd’hui de 92 ans, et dont on était sans nouvelles depuis… 45 ans !

Le prochain numéro de Bananas à paraître en 2021 reviendra sur cette nécessaire réécriture de l’Histoire de la bande dessinée franco-belge,  en publiant la retranscription d’une table-ronde, organisée sur ce sujet par le dernier SoBD, animée par Harry Morgan,  à laquelle participaient Manuel Hirtz, Gérard Thomassian, Dominique Petitfaux et Jean-Pierre Dionnet. 

Les propos de Joann Sfar sur France Inter le 23 mai accusant la Société des Gens de Lettres de toucher  de l’argent censé être redistribué aux auteurs, et qui ne l’aurait pas été, ont abouti à une plainte pour diffamation. D’où une polémique qui part dans tous les sens. J’avais dans un premier temps l’intention de rendre compte ici des problématiques en jeu mais j’avoue que je n’en ai plus le courage. Si le sujet vous tente, je vous conseille de lire attentivement les points de vue des uns et des autres, et de vous faire une opinion sur la base de ce qui a été dit ou écrit. Ce qui ne semble pas être la méthode suivie par beaucoup de commentateurs.

www.actuabd.com/SGDL-Joann-Sfar-au-dela-de-la-polemique

www.sgdl.org/sgdl-accueil/presse/communiques/3685-la-sgdl-condamne-les-propos-de-m-joann-sfar-president-d-honneur-de-la-ligue-des-auteurs-professionnels-et-va-saisir-le-procureur-de-la-republique-d-une-plainte-pour-diffamation

https://ligue.auteurs.pro/2020/05/26/joann-sfar-repond-a-la-sgdl/

www.actuabd.com/YVES-FREMION-Lettre-ouverte-a-Joann-Sfar#forum66491

Puisqu’il semble désormais vain de vouloir débattre sur quelque sujet que ce soit avec un minimum de calme, de rationalité et d’argumentation (même si Yves Frémion fait un effort méritoire dans la polémique précitée), face à ces épuisantes et incessantes vociférations où la posture tient lieu de réflexion,  il ne faudra pas s’étonner que de plus en plus de personnes se désintéressent  des affaires de la cité et se renferment dans leur bulle.

Maintenant que les librairies sont réouvertes, vous pouvez recommencer à acheter des livres. Gardez quelques sous pour ceux qui ne sont pas encore parus. Par exemple,  les deux volumes de  Labyrinthus chez Glénat, attendus pour fin août et octobre, qui signent le grand retour de Fabrice Neaud. Ou le premier volume de l’Intégrale de Zap Comix, avec les numéros 0 à 9 de la mythique revue créée par Crumb en 1968, chez Stara qui avait déjà édité le n°16 en 2016. Et si vous aimez Crumb, réjouissez-vous : Cornélius doit sortir en novembre un livre rassemblant plus de 200 de ses couvertures.

Si la crise sanitaire a fortement perturbé tous les acteurs de la chaîne du livre, ce sont les festivals qui auront été les plus touchés car la non-tenue des manifestations a occasionné des pertes sèches. Si les libraires, éditeurs et auteurs ont beaucoup souffert, rien n’interdit de penser qu’un rattrapage, même très partiel, avec un petit surcroît de ventes à partir de juin, est envisageable. Il reste encore 8 mois avant la tenue du prochain Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême. Mais même si la situation devrait s’améliorer, en espérant que la pandémie ne fera pas son retour à l’automne, la fréquentation est déjà assurée d’être bien moindre.

Lyon BD, lui, a décidé d’organiser un non-festival en ligne du 12 au 14 juin, faute de pouvoir organiser physiquement la 15e édition de son festival.  Mais l’exposition « Éruption(s), portrait de contestations », montée par Nicolas Finet, devrait être visible à l’automne. Le sujet en est la manière dont la bande dessinée peut rendre compte de l’actualité du monde contemporain.

Un thème déjà défriché dans une table ronde organisée en 2017 par le SoBD (« Le dessin comme présence au monde », avec Edmond Baudoin, Damien Roudeau et Philippe Sohet) et dont on pourra lire une retranscription en décembre ou janvier prochain dans la revue Critix, si sa réactivation, le temps d’un unique numéro, devait se confirmer.