Comme chaque été, Miguel Gallardo va chercher sa fille aux Canaries pour passer un mois et demi avec elle, à Barcelone et sur la Costa Brava. Maria a 20 ans n’est rien d’autre qu’un journal de vacances centré sur les relations d’un père et de sa fille qui adore la musique, dresse d’interminables listes et exprime son amour pour ses proches « en les pinçant, pour qu’ils la remarquent, pour attirer leur attention ou simplement pour voir la tête qu’ils font ».
Si l’on comprend rapidement que Maria est autiste, le mot n’apparaît pas une seule fois, non par déni, mais pour ne pas réduire le personnage à sa maladie, ou pour le dire autrement, pour affirmer que Maria est une personne « comme les autres », pour utiliser une formule toute faite.
Tout l’attrait du livre est justement d’échapper à la lourdeur de ces mots et expressions convenus pour au contraire opter pour la légèreté et la simplicité. Raconter une histoire simple, avec des moyens qui le sont tout autant, telle est la ligne suivie. Le dessin est au diapason des faits relatés et se réduit à sa plus simple expression. Il se rapprocherait même du dessin d’enfant s’il n’était aussi habile à signifier aussi clairement ce qu’il a à montrer. Cette préférence pour une sobriété jamais austère est confirmée par le choix de la bichromie, avec un noir et blanc rehaussé de bleu.
Bien que ce ne soit que le deuxième livre de Michel Gallardo publié en France, après Maria et moi en 2010, l’auteur est loin d’être un débutant. Ce désormais sexagénaire collabora notamment, et dès son premier numéro, à El Vibora une revue espagnole post-franquiste qui se fit beaucoup remarquer à sa sortie en 1979 par son contenu totalement décalé et underground. Inutile de préciser qu’on rechercherait en vain la moindre parenté, qu’elle soit thématique, narrative ou graphique, entre les bandes dessinées de ces deux époques.
Evariste Blanchet