En matière de bande dessinée, l’Italie et la France partagent de nombreux points communs. Outre le fait d’être (ou d’avoir été) un grand centre de production, tant quantitatif que qualitatif, ils ont été profondément marqués par la bande dessinée américaine.

L’Italie a cependant une particularité : celle d’avoir fait produire des séries américaines par des dessinateurs locaux. Si les Mickey et Donald italiens sont facilement identifiables puisque leurs aventures sont désormais signées, l’on sait moins qu’un classique comme The Phantom, créé en 1936 par Lee Falk et Ray Moore, a généré une multitude d’épisodes locaux produits dans l’anonymat le plus total. Grâce au grand dossier du dernier numéro de Fumetto, il est possible d’en savoir un peu plus sur les aventures italiennes de ce justicier connu sous le nom de Fantôme du Bengale (également  surnommé « L’ombre-qui-marche »), un nom bien étrange vu que les décors de ses aventures nous renvoient plutôt à des paysages africains. Mais en ces temps-là, la bande dessinée populaire n’était pas plus regardante en matière géographique qu’elle ne l’était en matière historique. Si les noms de Germano Ferri ou de sa trentaine de confrères ont toujours été inconnus du public français, ce ne fut pas le cas des épisodes eux-mêmes, puisque traduits dans les années 1960 par les éditions des Remparts à des centaines de milliers d’exemplaires… chaque semaine ! Détail amusant, en couverture, à hauteur du titre Fantôme sous le médaillon reprenant en gros plan la tête du héros, figurait l’inscription « Aventures américaines », également présente dans l’édition italienne (« Avventure Americane »).

Curieusement, car c’est à l’évidence le fruit du hasard, dans ce même numéro 106, la première partie d’un autre article évoque les productions locales, notamment asiatiques, de personnages Marvel.

Egalement au sommaire : un long article sur le roman-photo dont la paternité n’a jamais été tranchée (les noms les plus couramment cités sont ceux des cinéastes Cesare Zavattini et Damiano Damiani), Kali (un sous-Tarzan traduit chez nous aux éditions Jeunesse et Vacances), René Goscinny, un court article de Luigi Marciano sur le Palazzo del fumetto de Pordenone (une ville réputée pour son festival de films muets), un article nécrologique de Gianni Brunoro sur Alberto Ongaro qui fut notamment scénariste de Pratt, etc.

Plus d’information sur www.amicidelfumetto.it

A propos d’Ongaro, les lecteurs français pourront également se reporter aux trois pages très denses rédigées par Marc-André Dumonteil dans le n° 157 de Hop ! consacré par ailleurs à Jean Cézard (1924 – 1977). Son Arthur le fantôme publié dans Pif qui demeure son personnage le plus connu ne doit pas faire oublier que cet artisan modeste produisit un nombre considérable d’histoires. Nul doute que sa bibliographie minutieusement établie par Louis Cance et Gérard Thomassian va s’étaler sur de nombreux numéros de Hop !

Ce même numéro publie la 7e partie de l’autobiographie de Mouminoux (alias Dimitri, l’auteur du Goulag), toujours aussi hallucinante, tant l’essentiel du texte porte sur les états d’âme de l’auteur et sur une foultitude de considérations plus générales les unes que les autres. Au point que parfois, dans le long chemin de croix que semble être sa carrière, on ne sait même pas à quel journal ou à quel éditeur il se réfère. A titre d’exemple, dans ces pages entièrement consacrées à sa production dans Pilote, il ne cite pas une seule fois le nom de René Goscinny ! Et encore, dans ce cas, sait-on au moins qui est la personne qu’il évoque. Déjà, dans l’épisode précédent, quand il parlait de sa rencontre avec Goscinny, il évoquait d’abord « un (…) personnage (…) plus petit, le cheveu frisotté » (ce qui peut s’expliquer par le fait qu’il ignore à ce moment-là le nom de son interlocuteur), puis « le père d’Astérix » avant de consentir à prononcer son nom (une seule fois). J’attends avec impatience la suite de ses mémoires pour savoir si, en racontant ses passages à Tintin puis à BD et à Charlie Hebdo les autres rédacteurs en chef seront mieux traités.

En complément, la suite de la présentation de Scorchy Smith (1946 – 1953), les notices nécrologiques et l’actualité des rééditions (principalement axées sur des productions de petits éditeurs à tirage très limité, donc peu médiatisées).

 Hop ! 56 boulevard Lintilhac, 15000 Aurillac. Règlement par chèque ou mandat (à l’ordre de  AEMEGBD) au prix de 8,00 euros + 3,10 euros de port.

Ceux qui s’intéressent plus à la production contemporaine pourront se reporter au dernier numéro de Nicole que je croyais définitivement morte et enterrée. L’avantage d’une revue, surtout en période de surproduction, c’est que vous l’achetez pour avoir le plaisir de lire les auteurs que vous admirez depuis longtemps (à savoir dans ce numéro 7 : Ayroles, Blutch – voir ci-dessous – , Willem, Crumb, Tatsumi, etc.) tout en ayant la possibilité de découvrir d’autres auteurs dont vous ignoriez l’existence ou dont vous n’auriez pas nécessairement eu envie d’acheter les livres.

Outre son rapport qualité/prix imbattable (plus de 300 pages pour 14,50 euros), cette production Cornélius vous offre des textes de Jean-Louis Capron au mauvais esprit légendaire.