
Après La Banque Postale qui a fait exploser les frais de tenue de comptes des associations depuis quelques années, avec toujours moins de services (maintenant, il faut éditer soi-même ses relevés de compte), c’est La Poste qui a décidé de ne plus « promouvoir la culture française dans le monde » en mettant fin depuis le 1er juillet à son tarif spécial « d’expédition pour livres et brochures à caractère culturel dans le monde entier ». Ce qui coûtait entre 1 et 3 euros en fonction du pays de destination et du poids (donc de la pagination du n° de Bananas commandé) coûtera désormais plus de 10 euros. Plusieurs députés et sénateurs de droite et de gauche s’en sont émus, ce qui n’est pas le cas ni du ministre de l’économie, ni de la ministre de la culture, cette dernière semblant être restée dans sa bulle.

J’apprends, grâce à Mano Libera, la lettre d’information mensuelle de l’ANAFI, association qui publie le très beau trimestriel italien Fumetto, qu’à Milan, le WOW Spazio Fumetto a définitivement fermé ses portes le 15 juin après 14 ans de bons et loyaux services. Selon la Fondation Franco Fossati qui gérait ce musée de la bande dessinée, c’est un problème de « retard de paiement de certains loyers (dus à la Covid et à l’après-Covid) » pourtant « en voie de résolution » qui en est la cause. La Fondation envisage de poursuivre ses activités ailleurs, en conservant son savoir-faire et ses équipes.

Quinze jours auparavant s’y terminait l’exposition « Cocco Bill contre la guerre ! » présentant plus d’une vingtaine de planches du génial, mais très oublié en France, Benito Jacovitti. Seules la version, ancienne, de son Pinocchio, traduite tardivement en 2009 chez Les Rêveurs, et celle de son Kâma Sutra (Kamalsutra, Éditions i, 2017, après une première édition en 1983 chez Artefact) peuvent encore être commandés chez votre libraire.

Tout cela est évoqué par Paolo Gallinari dans l’éditorial du numéro 134 de Fumetto dont le sommaire est largement consacré à H. P. Lovecraft : article biographique, bibliographie de ses œuvres, réédition d’un court récit de Roy Thomas et Tom Palmer pour Marvel, et surtout une extraordinaire bibliographie des adaptations en bande dessinée qui ne se limite pas aux traductions italiennes mais mentionne les titres et dates des éditions originales. Autre article du même Alberto Becattini, qui semble être l’équivalent italien de nos Louis Cance et Gérard Thomassian, un hommage à Jules Feiffer, décédé en janvier, qui fut à la fois un auteur et un historien américain important.


Dans ce même numéro, suite des articles sur Dampyr, une série populaire italienne peu traduite en français, et sur les bandes dessinées de guerre de Jack Kirby.

Le nouveau numéro de Papiers Nickelés devrait paraître ces jours-ci. En attendant, vous pouvez écouter son podcast mensuel qui donne la parole à des éditeurs, libraires, auteurs et autres. Dans le dernier, datant de juin, parmi les rencontres proposées, il y en a une avec Tito, à propos de la réédition de Soledad, du nom d’un village situé près de Tolède, où l’auteur mêle son histoire familiale avec celle de son pays de naissance (le 4e épisode entame un retour en arrière en se situant pendant la guerre civile). C’est probablement le seul cas de série publiée dans deux revues aux lignes éditoriales aussi dissemblables, soit A Suivre (1980-1982) puis Circus (1983-1987). La raison de cet étonnant transfert est possiblement due au style graphique de Tito qualifié, dans la lignée d’un Arthur Piroton (voir ci-après), de « photographique », donc assez peu « arty ».
Tito explique dans le podcast qu’il avait conservé la quasi-totalité de ses planches originales, ce qui a été fort utile lorsqu’il s’est rendu compte qu’une grande partie de ses fichiers numériques étaient devenus inexploitables. Le papier, même non nickelé, il n’y a que ça de vrai (et de durable) !
https://podcast.ausha.co/papiers-nickeles/papiers-nickeles-13-09-06-25

J’ignorais qu’il existât une antenne liégeoise du FBI mais elle me convoque en septembre pour la sortie du premier des cinq volumes de l’intégrale Jess Long, série policière créée en 1969 dans Spirou par Maurice Tillieux (scénario) et Arthur Piroton (dessin) et qui y fut publiée jusqu’en 1995. La température devrait être moins caniculaire qu’aujourd’hui, ce qui me permettra, comme j’y suis invité, de sortir mon costume, ma cravate, mes lunettes noires et mon borsalino.
Ce ne sont pas les éditions Dupuis mais AD HOC éditions qui se lance dans cette entreprise bienvenue qui, je cite la formule utilisée dans la convocation, fera revivre « l’esprit de Colombo » et « l’action de Starsky et Hutch ».
Chaque volume contiendra un dossier d’introduction de Christian Jasmes, enseignant et amateur éclairé de bande dessinée.
https://www.adhoceditions.com/contact

Autre initiative patrimoniale à venir, un projet d’édition de Patrick Bouster et Jean-Marie Korber des bandes dessinées de jeunesse d’André Juillard, parues dans divers hebdomadaires (Pif Gadget, Fripounet, Djin, Formule 1). Environ 600 pages sont à prévoir en trois ou quatre volumes à tirage limité et qui ne seront pas réédités, vendus uniquement par souscription. Plus d’informations dès que l’éditeur sera trouvé.

Pour finir, encore un mot sur Jules Feiffer. Quelques-uns de ses romans graphiques sont toujours disponibles, dont un réédité par Futuropolis dans une traduction de Cavanna, mais son premier livre traduit en français, Garçon Fille, a été publié par Denoël dès 1964, à partir de l’édition américaine de deux recueils différents. Il a obtenu le Prix Pulitzer du dessin de presse en 1986 et le prix du meilleur scénario de film au Festival de Venise en 1989 pour I Want to go home d’Alain Resnais. Thierry Groensteen a eu la bonne idée de l’interviewer dans le n°66 des Cahiers de la bande dessinée paru en 1985.
Sa très faible notoriété aujourd’hui en France n’empêche pas ses cartoons incisifs d’avoir été beaucoup lus dans les revues Pogo et Charlie Mensuel au cours des années 1970. Ils constituent (avec Little Annie Fanny) sans doute aucun la meilleure radiographie de l’Amérique de ces années-là, tout support confondu. Ce n’est pas un hasard si, dans son article nécrologique (Le Monde, daté du 30 janvier 2025), Frédéric Potet rappelait que « cette pâte sociale en images inspirera notamment Claire Bretécher, l’autrice des Frustrés ».

Et quand je relis quelques numéros de Charlie Mensuel, je me dis à chaque fois que c’était vraiment, et de loin, la meilleure revue du milieu des années 1970. D’ailleurs, l’un des deux principaux invités du prochain numéro de Bananas en fut un collaborateur régulier.