Le deuxième confinement va mettre à mal une bibliodiversité déjà bien fragile. Les ventes de livres par Intenet vont inéluctablement exacerber la polarisation des lecteurs vers les best sellers. Comment pourrait-il en être autrement ? Comment pourrait-on avoir l’idée et l’envie d’acheter des livres d’auteurs inconnus puisque les médiateurs du livre que sont les critiques et les libraires ne parviennent plus à assurer leur rôle de conseil ?

Les structures de taille modeste avec peu d’auteurs de best sellers à leur catalogue seront les plus pénalisées.

Karine & Shuky qui dirigent Makaka Editions, avec un catalogue de plus de 80 livres en une douzaine d’années, ont lancé un appel à leurs lecteurs qui mérite de circuler le plus largement possible : « Vous aviez l’intention de commander deux best sellers ? Et si vous n’en preniez qu’un seul, accompagné d’une création issue d’une petite maison pour équilibrer votre panier ? »

La célèbre collection « Bouquins » des éditions Robert Laffont s’enrichit d’un nouveau titre : Le Bouquin de la bande dessinée, co-édité par la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image d’Angoulême, sous la direction de Thierry Groensteen. Il se présente ainsi : « Le Bouquin de la bande dessinée n’est pas une encyclopédie des œuvres et des auteurs, ainsi qu’il en existe déjà plusieurs. Ses entrées renvoient non pas à des noms propres mais à des notions : termes usuels (album, bulle, héros, série, neuvième art…) ou plus techniques (encrage, couleur, lettrage, mise en page, séquence…), genres (animaux, autobiographie, western, science-fiction, super-héros…), supports (planche originale, fanzines, petits formats, album, roman graphique…), thèmes (religion, colonialisme, nu, Shoah…), notions relevant de l’esthétique (style, Pop Art, génétique…) ou de l’histoire culturelle (auteur, avant-garde, bédéphilie, contre-culture…). »

Le livre de 928 pages, cadeau idéal à offrir aux amateurs de bande dessinée, devait paraître ces jours-ci mais sa sortie a été reportée, probablement pour cause de Covid-19, au 7 janvier.

Le dernier livre de Renaud Chavanne : Dessiner & Composer, étude du motif de la porte et de la fenêtre dans la bande dessinée (PLG) fera l’objet d’une critique dans le numéro 13 de Bananas à paraître, avec un peu de décalage, en mars 2021. Elle pourrait commencer ainsi :

« Tout au long des presque trois cents pages de Composition de la bande dessinée, nous avions ainsi eu l’occasion d’attirer l’attention sur la fréquence et le rôle de ces dessins de portes, de fenêtres, et de bâtiments dans bon nombre d’œuvres de bande dessinée » écrit Renaud Chavanne dans sa préface. De fait, si l’objet d’un tel livre pourrait laisser penser à un canular, il ne surprendra nullement les lecteurs déjà familiers des travaux de l’auteur. Après s’être attaché à décrire les méthodes et principes d’organisation des images les unes par rapport aux autres, il était assez logique de commencer à parler des images elles-mêmes. S’y atteler à partir de la représentation des portes et fenêtres relève certes d’une démarche particulièrement singulière, sauf que plus on avance dans la lecture du livre, plus on s’étonne de n’avoir pas été frappé plus tôt de pareilles évidences.

Ce livre m’a fait forte impression au point d’avoir le sentiment de ne plus remarquer que des jeux avec les portes et fenêtres dans mes lectures du moment.

La couverture du dernier livre de Nicoby, Mes quatre saisons, en est un bon exemple. Paru en octobre (mais avec une date de dépôt légal d’avril) dans la collection Aire Libre de Dupuis, c’est le premier volet d’un récit où le dessinateur de bande dessinée parle de son quotidien, ou plutôt d’une partie de son quotidien. Car on peut supposer que la majeure partie de son temps, il le passe, non pas à rencontrer des confrères auxquels il voue une immense admiration, mais rivé à sa table à dessin, ou pour le dire autrement, confiné dans sa bulle. Le dessin de couverture révélerait alors quel est son seul contact possible avec le réel. Choix bien téméraire et audacieux car avalisant la caricature de l’artiste auto-centré méconnaissant le vrai monde peuplé de vrais gens. Mais pour les lecteurs qui ne succomberaient pas à ce type de caricature, cette auto-dérision est source de grand amusement. Pour autant, il n’est pas non plus illégitime de se poser la question de l’intérêt du livre. Prises individuellement, presque toutes les histoires qui le composent sont empreintes d’une certaine banalité, mais paradoxalement, au lieu de désespérer toujours un peu plus le lecteur au fur et à mesure de son avancement dans la lecture, mises bout à bout, elles finissent par gagner en consistance. Donc, à conseiller.

Autre exemple qui me renvoie au livre de Renaud Chavanne, ce strip dessiné par Bernie Krigstein, datant du milieu des années 1950, juste avant que les éditeurs américains ne s’auto-censurent par peur des représailles, à une époque où les comics étaient considérés comme des pousse-au-crime. Il est extrait du 4e volume de Crime SuspenStories édité en juin dernier par Akiléos, un éditeur qui fait un excellent travail pour faire connaître ces récits légendaires (policier, SF, horreur, guerre) édités par E.C. Comics pour lesquels travaillèrent de très grands auteurs américains.

Mais je n’en dis pas plus. Reportez-vous au livre et à Bananas. Et soyez attentifs aux anthologies E.C. Comics d’Akiléos à paraître.




François Deneyer, annonce à paraître ces jours-ci un livre de 448 pages et de 930 visuels sur la vie et l’œuvre du grand Jijé, dont il est l’incontestable spécialiste : Joseph Gillain, une vie de bohème.