Je viens seulement de prendre le temps de lire le n°20 de Tonnerre de Bulles publié en avril 2019, consacré à (n’ayant pas peur des mots, surtout quand ils sont justes) des auteurs admirables et insuffisamment admirés : Daniel Goossens et Nikita Mandryka. Car s’ils ont un point commun, en dehors de la drôlerie de leur production, c’est d’avoir un public restreint, inversement proportionnel à leur importance artistique. En plus d’inciter à relire leurs oeuvres, je voudrais signaler ici la qualité des deux entretiens menés respectivement par Patrick Bouster et Raymond Larpin. Dernier point et non des moindres : bien que ces auteurs aient déjà été interrogés, leurs propos ne font pas doublon avec ce qu’ils auraient déjà dit précédemment. 

9,50 euros (dont 3 euros de port) par chèque : Les Petits Sapristains, Tonnerre de Bulles, La Chênaie Longue, 35500 Saint-Aubin-des-Landes. Yannick Bonnant, l’éditeur, fait beaucoup de salons : il devrait être présent au prochain SoBD qui se tiendra à Paris début décembre 2020.

Philippe Dupuy, extrait des Cahiers de la BD

Rectificatif :j’avais écrit, sur la foi de ce qui m’avait été annoncé, que le n°11 des Cahiers de la BD (qui consacre pas moins de 29 pages à la nouvelle vie de Philippe Dupuy, ex-Dupuy Berberian) couvrait la période juin/juillet/août. Finalement, il inclut également le mois de septembre. Il y aura donc très exactement 3 numéros au lieu de 4 en 2020.

HOP ! n°164 est un spécial BD consacré au western avec un dossier Pécos Bill (article + bibliographie française), de courts récits complets de Mézières, Bourlès, Leguay, Chéry, Novi et (Gérald) Forton, plus la fin d’une histoire de Buffalo Bill de Giffey (les épisodes étant trop longs pour être reproduits en totalité). Ces récits ont été publiés initialement entre 1946 et 1962 : c’est dire s’ils ne ressemblent en rien aux productions contemporaines. S’ajoutent  l’actualité des rééditions (toujours appréciable s’agissant la plupart du temps de tirages faibles peu médiatisés, réalisés par de petites maisons d’éditions) et des informations brèves, souvent dévaluées car publiées plusieurs mois après avoir été rédigées, encore qu’il soit bien rare  de ne pas en trouver quelques-unes de très utiles car nous ayant échappé. Pas de nécrologies dans ce numéro, ce qui est une très bonne chose car leur importance croissante dans les sommaires a pour conséquence une réduction de la place disponible pour les dossiers.

Bob Leguay
Bob Leguay

Hop ! 56 boulevard Lintilhac, 15000 Aurillac. Règlement par chèque ou mandat (à l’ordre de  AEMEGBD) au prix de 8,00 euros + 3,80 euros de port.

Le n°9 de Nicole est paru en juillet. Toujours imbattable en matière de rapport pagination/prix (304 pages pour 14,50 euros), avec une ligne éditoriale inchangée et un sommaire immuablement constitué d’un éditorial, du bilan de l’année écoulée, de nouvelles de Jean-Louis Capron (toujours en lien avec le monde de l’édition) et de beaucoup de bandes dessinées alternatives, (jeunes auteurs et anciens mémorables). Le propos est toujours aussi peu consensuel, souvent acide, parfois méchant (la couverture donne le ton), un peu à l’image que je me fais de son éditeur (qui est parfois juste, souvent drôle et dont le « domaine étranger » du catalogue est de grande qualité, ce qui fait qu’il lui sera beaucoup pardonné).

Mine de rien, même limité à un seul numéro par an, Nicole assume (hélas bien solitairement) la fonction traditionnelle de la revue : faire lire des auteurs vers qui on ne se porterait pas nécessairement. C’est d’autant plus vrai que les alternatifs publiés ici appartiennent parfois à une famille plus pointue et plus radicale que celle qui se retrouve dans la liste des meilleurs livres de l’ACBD (Association des Critiques de Bande Dessinée). Je pense à  LL de Mars, Delphine Panique, Jérôme Dubois, Juliette Mancini : l’existence de Nicole en est d’autant plus justifiée. Mais la revue présente également des récits qui se rapprochent d’une forme et d’une narration plus classiques. Côté anciens, plusieurs histoires savoureuses de Willem (dont l’incorrection est plus que jamais réjouissante en cette pénible époque) et un long port-folio de Nicole Claveloux que l’exposition en janvier dernier au Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême a sorti de l’oubli (même si Jeanne Puchol avait fait un commentaire de l’une de ses planches lors d’un SoBD récent et que Daniel Goossens la citait dans l’entretien de Tonnerre de Bulles réalisé il y a deux ans et mentionné ci-dessus.)

Un avertissement toutefois : la lecture du panorama de l’année 2019 s’avère ardue, comme en témoignent les premières lignes : « Salut les baboules, ici c’est Jérôme, dit JèR, akaJèrSuperDéter ! On va se faire un rewind guacamolfun, ça va gavé balancer du proton !! Quoi c’est , tu dis ? 2019, ma gueule ! Whatos ? Att, frère-oeur (écriture inclusive, nataz), y a le DirdeRéd aka Zebigboss qui fait des mouvements de baboon. « Jérôme, mon grand, mon jeune ami, soigne ton langage, personne ne va te comprendre au sein du 9e Art (…) ». Sur quelques lignes, c’est amusant. Sur 20 pages, cela exige un réel et méritoire effort que je m’honore d’avoir fait comme tout critique sérieux (par exemple Frédéric Hojlo d’actuabd qui semble avoir souffert comme moi). 

Le ministère de la culture vient d’éditer une étude de Philippe Lombardo et Loup Wolff : Cinquante ans de pratiques culturelles en France. C’est, je cite, « la sixième édition d’une série commencée au début des années 1970 et destinée à mesurer la participation de la population aux loisirs et à la vie culturelle ».

En ce qui concerne la bande dessinée, les résultats ne sont guère réjouissants puisque les lecteurs âgés de 15 ans et plus étaient 41 % à avoir lu une bande dessinée dans l’année en 1988 contre 20 % en 2018. Sur 40 ans, et 4 études, la tendance baissière est très nette, beaucoup plus que pour le livre hors bande dessinée (qui ne passe que de 73 à 62%). C’est d’autant plus dramatique que l’offre n’a jamais été aussi variée qu’aujourd’hui. Le prix de vente y est sans doute pour quelque chose mais ne saurait tout expliquer puisque l’étude porte sur les livres « lus » et non sur les livres « achetés ». Or, le réseau de bibliothèques publiques qui n’est pas complètement démuni en matière de bande dessinée, est quand même très développé en France et l’accès est souvent gratuit (disons : sans surcoût pour l’utilisateur puisque financé collectivement par l’impôt).

(Je précise que j’ai vérifié qu’il n’y avait pas eu de sortie d’un Astérix en 1988, ce qui aurait pu fausser la comparaison.)

L’étude qui fait moins de cent pages est téléchargeable sur le site www.culture.gouv.fr/Etudes-et-statistiques.