SoBD

Le SoBD a, une fois encore, bravé la tempête. Après avoir souffert des manifestations des gilets jaunes et des casseurs en 2018, il s’est tenu en pleine grève des transports contre la réforme des retraites. Miraculeusement, tous les exposants prévus étaient présents, et les allées étaient loin d’être désertées par le public, comme en témoigne cette photo prise le samedi soir, peu de temps avant la fermeture des portes. Quelques-uns, qu’ils s’agissent de bénévoles, d’intervenants et de lecteurs ont néanmoins été contraints d’annuler leur venue. Ainsi, Jean-Paul Gabilliet qui devait présenter la nouvelle base de données rassemblant les articles et études consacrées à la bande dessinée, à destination des universitaires et autres chercheurs, s’est fait remplacer par une consœur, Laura Caraballo (à qui l’on doit par ailleurs un livre sur Breccia, signalé sur ce blog il y a un mois). Les défections de visiteurs causées par la pénurie de moyens de transport est plus difficile à chiffrer, sauf en ce qui concerne les master class de Dominique Goblet et Jean-Christophe Menu, dont l’accès était conditionné par une inscription obligatoire, les places étant limitées à 29 participants au plus. Les résiliations (nombreuses), faciles à décompter, témoignent du même coup de l’attrait du salon qui n’attire pas seulement le public parisien et de sa banlieue.

Les invités polonais étaient cependant fort bien représentés. Le salon en exposait quelques-uns appartenant aux générations qui ont commencé à travailler dans la Pologne post-communiste. Ils sont également intervenus dans les quatre tables rondes du samedi. J’espère pouvoir retranscrire ces dernières dans le 13e Bananas. D’ici là, le n°12 sera paru, avec la reprise de certains échanges du SoBD 2018, à propos de la bande dessinée canadienne et de l’autobiographie, auxquels ont participé Seth, Chester Brown, Julie Delporte, Joe Ollmann et Fabrice Neaud.

Berenika Kołomycka et Przemysław Truściński

L’exposition du SoBD complétait idéalement celle qui s’était tenue du 22 novembre au 7 décembre, quelques semaines plus tôt, à la Bibliothèque polonaise de Paris, couvrant un siècle d’histoire de la bande dessinée polonaise. Ce panorama, qualifié dans les programmes de « vaste » et d’ « exceptionnel » n’était en fait qu’une partie de ce qui avait été précédemment montré au Musée National de Cracovie. Mais pour la plupart  des Français, journalistes et critiques inclus, c’était une excellente opportunité de découvrir une production totalement inconnue.

Exposition 100 ans de BD polonaise

Pour célébrer le centenaire de la bande dessinée polonaise, la Galerie BWA de Jelenia Góra, qui indique être «  la seule galerie d’art moderne polonaise à organiser régulièrement des expositions de bande dessinée » et le SoBD ont publié un précieux catalogue qui présente brièvement une vingtaine d’artistes polonais, avec planches à l’appui.

Lors de ce SoBD, nous avons eu droit aux très attendus commentaires de planches par Philippe Morin (Beuville), Jeanne Puchol (Gillon) et Harry Morgan (Gloesner). Que du bon (artistes et commentateurs) ! Il est probable que le site Du9 en rendra compte d’ici quelques mois. Autre rendez-vous habituel, le Prix Papiers Nickelés / SoBD qui récompense le meilleur ouvrage sur la bande dessinée et le patrimoine graphique fut attribué cette année à Benoît Baral, alias BSK, pour La bande dessinée ou comment j’ai raté ma vie, édité comme ses précédents livres chez PLG. L’ouvrage, qui est par ailleurs une bande dessinée, fut préféré à la biographie de Cabu et à l’autobiographie de Jean-Pierre Dionnet dont quelques membres du jury dirent néanmoins beaucoup de bien lors de la « revue de littérature » qui commentaient quelques parutions de l’année écoulée.

La revue de littérature, avec de gauche à droite : Harry Morgan, Renaud Chavannes, Antoine Sausverd, Florian Rubis et Manuel Hirtz

Je signale que le lauréat a jadis participé aux regrettées revues critiques Comix Club et L’Eprouvette, avec des participations, là encore sous forme de bande dessinée, que j’appréciais beaucoup.

Vivement le prochain SoBD. Mais d’il là, il y aura le Festival d’Angoulême. Si les grèves auront du mal à se poursuivre pendant la période de Noël, elles pourraient bien reprendre fin janvier. Auquel cas, la fréquentation et les finances du Festival pourraient s’en ressentir très vivement.

Sinon, puisqu’il était question de récompense, je signale qu’Ugo Bienvenu a remporté le Grand Prix de la Critique ACBD 2020, probablement plus pour son livre (Préférence système) que pour sa déclaration dans le Canal BD n°128 (octobre-novembre 2019) :  « Je trouve que la bande dessinée est allée trop loin dans l’autobiographie. Le récit doit rester au centre d’un livre. » Que celui qui n’a jamais dit (ou écrit) une bêtise lui jette la première pierre.

Encore un mot sur Alberto Breccia.

Le 19e Festival international BilBOlbul présentait une exposition consacrée à ce « Seigneur des images ». Si la manifestation s’est tenue du 29 novembre au 1er décembre, accueillant 30.000 visiteurs, les œuvres du grand maître sud-américain sont encore visibles jusqu’au 7 janvier 2020 à l’Académie des Beaux-Arts de Bologne. L’Italie est, bien avant la France… et l’Argentine, le pays qui a le mieux contribué à permettre à Breccia de pouvoir exercer son talent et son inventivité.

De son côté, le n°8 des Cahiers de la BD (juillet à septembre 2019) consacrait presque une quarantaine de pages à l’artiste, dont un entretien de 1992 et un récit de 8 planches appartenant à la série « Département zéro » : « Le jour où l’art disparut de la surface de la terre ». Titre extravagant, à l’image de l’épisode dont l’intrigue accumule les invraisemblances. Si l’irréalisme absolu du point de départ est fort acceptable (la disparition des principaux chefs d’œuvres des plus grands musées du monde, décomposés en éléments atomiques par un rayon puis ré-assemblés ensuite par les malfaiteurs), les successions de scènes où deux héros triomphent, à l’aide de leurs seuls poings, de troupes armées jusqu’aux dents confinent à l’idiotie. Autant, nous arrivons à concevoir qu’un dessinateur débute une carrière par des histoires conventionnelles avant de faire œuvre d’auteur en adoptant des styles graphiques variés et d’une modernité radicale, autant il est surprenant de le voir faire machine arrière, même pour des raisons économiques. Ce travail de commande se situe en effet dans sa carrière entre « L’Eternaute » et  les premières histoires d’après Lovecraft rassemblées sous le titre de « Les Mythes de Cthulhu » (objet d’une critique dans le dernier Bananas).

Le trimestriel annonce par ailleurs que les quelques éditions et rééditions entamées en 2019 vont se continuer en 2020, avec notamment « Perramus » aux éditions Futuropolis et « Sherlock Time » chez Revival.

 Pour la première fois de son histoire, sauf erreur de ma part, Hop !  consacre son principal dossier et sa couverture à un personnage. L’invité principal est en effet Rip Kirby, le détective élégant et intello créé par Alex Raymond et repris après sa mort par John Prentice. Ce n°162 (daté de juin mais sorti en novembre) présente, outre les rubriques habituelles sur l’actualité des collectionneurs et les nécrologies (Sergio Tuis, le dessinateur des Anges de l’Enfer qui firent l’objet d’un article dans le n°4 de Bananas, Mattioli, Mordillo, etc.), la suite du dossier Jean Cézard (période Aventures et Voyages, éditeur plus connu sous le sigle Mon Journal), du dossier Pierre Brochard (Fripounet) et des souvenirs de Mouminoux/Dimitri qui évoque à la fois « Le Soldat oublié » (récit autobiographique de son incorporation dans l’armée allemande sur le front de l’Est) et sa collaboration avec Jijé.

Hop ! 56 boulevard Lintilhac, 15000 Aurillac. Règlement par chèque ou mandat (à l’ordre de  AEMEGBD) au prix de 8,00 euros + 3,45 euros de port.

Pour terminer, je ne sais pas trop si je dois citer l’existence du n°7 des Archives du Père Jeff, car le périodique plus ou moins annuel de Jean-François Douvry où il publie des lettres de personnalités célèbres, glanées ici où là, est hors commerce et réservé à ses amis. Dans ce numéro, des lettres d’écrivains dont Mauriac, Léautaud, Jules Renard, Mac Orlan, plus quelques rares autres dont le nom a croisé l’histoire de la bande dessinée (Cavanna, Lacassin), ce qui justifie de l’évoquer sur ce blog. Un prochain numéro sera consacré au fonds des auteurs de bande dessinée. Vous avez donc approximativement un an pour tenter d’entrer dans le cercle des amis de l’éditeur.