En 1993, HOP !, la revue trimestrielle « d’informations et d’études sur la BD », décidait de consacrer un numéro sur deux à des rééditions, sous l’appellation « Nostalgie BD », en privilégiant des dessinateurs français un peu oubliés (Martial, Melliès, Erik, etc.) mais s’autorisant parfois à publier des auteurs étrangers et/ou plus réputés (Bernet, Vance, Caniff, etc.). D’abord limités à de brèves présentations d’auteurs ou de séries, les textes occupèrent au fil du temps une place de plus en plus grande jusqu’à la complète disparition des bandes dessinées au n°159 principalement consacré à Philippe et Pierre Brochard. A l’occasion de son 45e anniversaire, les bandes dessinées font leur retour dans HOP ! le temps du numéro 160, avec des récits complets datant des années 1940, signés des français René Giffey, Bob Dan, Marijac, Le Rallic, auxquels s’ajoutent un récit de 1969 d’Erik et un inédit de 1999 de Tranchand et Achdé.
Le dessin de couverture ne manquera pas de rappeler quelques souvenirs à ses plus anciens et fidèles lecteurs.
Le numéro s’ouvre avec un article de Jean-Jacques Lalanne sur une série américaine peu connue, Myra North, suivi d’un épisode publié en France en 1939.
Inutile d’insister sur l’importance de cette revue qui, pendant près d’un demi-siècle, s’est attachée, dans une assez grande solitude, à défendre un patrimoine, souvent français mais pas exclusivement, plus que négligé par l’historiographie de la bande dessinée. Pour beaucoup, le passé se limite à Hergé et à trois hebdomadaires franco-belges : je renvoie sur ce sujet à l’article-manifeste de Dominique Petitfaux qui ouvre le dernier numéro de Bananas.
J’en veux pour nouvelle preuve l’article de Nicolas Tellop publié dans Les Cahiers de la BD n°6 (1er trimestre 2019) qui dresse le portrait de la bande dessinée de science-fiction contemporaine. S’il n’omet pas de citer, dans son rappel des grands classiques, l’américain Flash Gordon et le japonais Astro Boy, arrivé à la France, il écrit à ma grande stupeur : « Au début, il n’y avait rien, ou presque. Et puis, en 1967, apparaît la séminale série Valérian et Laureline (…) ». La formule « rien, ou presque », appliquée à Spirou, Tintin et Pilote peut, éventuellement, se discuter (sans être absent, le genre y est peu représenté), mais le problème est que la production de bande dessinée francophone ne se limite pas à ce qu’ont produit ces trois hebdomadaires prestigieux. Admettons même que l’on passe sous silence le Futuropolis (1937-1938) de Pellos et la production des frères Giordan dans Météor et les autres publications Artima à partir de 1952, comment peut-on ne pas citer Les Pionniers de l’Espérance, animés pendant près de 3 décennies par Raymond Poïvet et Roger Lécureux dans Vaillant / Pif ? Si nul critique n’est à l’abri d’erreurs et d’omissions, même aussi énormes, ce qui est plus problématique, c’est l’absence de réaction du rédacteur-en-chef, ce qui est dit long sur la méconnaissance de l’histoire de la bande dessinée.
Météor n°84 – avril 1960
Dans aucun d’autre domaine artistique, pareille bévue n’aurait pu passer : imagine-t-on, dans une revue de cinéma, qu’un critique à propos du western écrive qu’avant Sergio Leone, il n’y avait rien, ou presque ? Je ne me rappelle pas non plus, en matière de coquille, d’avoir vu un John Forde ou un François Trufaud. Par contre, je repère, un « Jigé » dans le panthéon cité par Joe Pinelli, à la page 65 de ce même numéro des Cahiers de la BD.
Si je pourrais ajouter quelques autres motifs d’irritation, je ne reprocherais à la revue ni son recours à la publicité, ni ses choix de couvertures (Blake et Mortimer, Giraud, Mickey, Sattouf, Bilal), ni sa propension à suivre les sujets un peu « mode ». C’est sans doute le prix à payer pour assurer sa viabilité économique et sa survie. Si Hop ! ou Bananas doivent s’astreindre à continuer de faire des choix contraires, c’est au prix d’une diffusion limitée à quelques centaines d’exemplaires. Or, il est indispensable qu’un lectorat plus large ait accès à une revue qui n’en demeure pas moins fort intéressante.
A propos d’anniversaire, Papiers Nickelés fête ses 15 ans avec son 60e numéro. Avant d’être une revue, c’est d’abord un projet : celui d’œuvrer pour la construction à Paris d’un Centre International de l’Imagerie populaire, consacré au dessin imprimé sous toutes ses formes (bande dessinée, dessin d’humour, affiche, etc.), sans hiérarchie. Plus d’informations sur papiersnickeles.fr.
Hop ! 56 boulevard Lintilhac, 15000 Aurillac. Règlement par chèque ou mandat (à l’ordre de AEMEGBD) au prix de 8,00 euros + 3,45 euros de port.
Les Cahiers de la BD. Disponible en librairie et chez les marchands de journaux. Prix incertain (le prix mentionné sur le n°6 était de 12,50 euros mais mon libraire m’a indiqué qu’il s’agissait d’une erreur, et je l’ai payé 14,90 euros.)
Papiers Nickelés. Disponible dans les très bonnes librairies. Prix : 8 euros.