Épatante 14e édition du SoBD ! Pendant que le monde se déchire chaque jour un peu plus, le monde des livres, et plus particulièrement ici le monde des livres de bande dessinée, est comme un havre de paix, avec des gens qui pratiquent la conversation de manière bienveillante et apaisée. La courtoisie est de mise, les gens qu’ils soient auteurs, éditeurs, organisateurs, visiteurs, sont souriants, ils n’ont pourtant pas moins de problèmes qu’ailleurs. Se promener dans les allées ne ressemble jamais à un parcours du combattant, même aux heures de forte affluence (comme le samedi et le dimanche après-midi). Il faut croire que la présence de livres (et revues, et fanzines, et originaux ) ne doit pas être propice aux invectives et aux déchaînements de haine. Le SoBD fait à l’évidence partie de ces manifestations à taille humaine qui facilitent grandement la convivialité.

Le top du top pour les visiteurs : se faire photographier devant le stand de la librairie spécialisée en ligne Stripologie qui, comme chaque année, proposait les différents numéros de Bananas.

Si l’offre est bien évidemment moins étendue que dans un méga-festival comme celui d’Angoulême, force est de constater qu’on ne peut tout voir ni tout écouter et qu’il faut faire des choix (probablement le seul élément légèrement douloureux du moment).

Ainsi, le samedi, il fallait arbitrer entre les tables rondes autour de Fabrice Neaud – invité d’honneur – échangeant avec ses amis, par exemple Richard Marazano (sur le dessin) ou Denis Bajram (sur les références multiples présentes en particulier dans l’œuvre autobiographique), et celles que les organisateurs ont nommé « faire de la BD » (et qui abordaient cette année : le travail de réédition, le statut d’intermittent, le dessin permanent – le fait pour un dessinateur de griffonner sans cesse – et le dessin produit sous forme de transe).

J’ai opté pour les premières. Bien que le sujet soit prédéfini, la conversation n’en était pas moins des plus libres, avec quelques surprises. La divergence d’appréciation sur le caractère ou non « académique » du dessin de Fabrice Neaud. Ou le fait d’apprendre que non, l’auteur du Journal et du Dernier soldat n’avait pas été biberonné par la lecture de Proust qui s’est faite sur le tard. Quant à l’intérêt porté à la philosophie et à la musique, ce n’était certes pas une surprise pour les lecteurs fervents des livres sus-nommés, mais peut-être que les moins informés (après tout, ce type de rencontres sert également à découvrir un auteur et inciter à lire ses livres) auront pu être étonnés de cette passion pour la musique classique alors qu’on ne parle toujours que des rapports entre rock et BD.

Revue de littérature où sont présentés quelques-uns des récents ouvrages sur la bande dessinée

Même déchirement le dimanche pour arbitrer entre le cycle consacré aux études sur la bande dessinée (incluant la présentation des principaux livres d’études parus les douze derniers mois et le commentaire de planches du dessinateur invité d’honneur) et le cycle consacré au pays invité, à savoir le Luxembourg.

Quelques obligations m’ont obligé à sacrifier les tables rondes sur le Luxembourg mais je compte bien me rattraper en jetant un œil sur les portraits des dessinateurs invités, visibles sur youtube.com/c/SoBD-tv.

Marc Ungeheuer, ambassadeur du Grand-Duché de Luxembourg, le 26 novembre, lors de la conférence de presse lançant les festivités

La bande dessinée luxembourgeoise est probablement moins surprenante dans ses œuvres que par son existence même et l’immense popularité dont elle jouit à l’intérieur de ses frontières. J’avoue mon inculture concernant ce pays, allant jusqu’à ignorer qu’il possédait sa propre langue… dans laquelle sont éditées les bandes dessinées.

Grace aux éditions Patayo qui ont traduit à l’occasion de ce SoBD Superjhemp, cousin luxembourgeois de SuperDupont, chacun peut désormais découvrir à quoi ressemble leur best-seller national. Outre ses 45 planches qui s’inscrivent dans le registre de la bande dessinée populaire à gros nez, l’album contient un petit lexique « luxebourgo-luxembourgeois », un article sur « les origines d’un succès éclatant » et deux contributions sur les super-héros parodiques européens.

L’excellente collection Mémoire Vive des éditions PLG a en outre édité une Histoire de la bande dessinée au Luxembourg du XIXe siècle à nos jours dont je ne manquerai pas de rendre compte ultérieurement.

Le musée éphémère de Fabrice Neaud

Côté expositions, outre celles réservées à Fabrice Neaud et à la bande dessinée luxembourgeoise, il y en avait une consacrée à des productions de l’éditeur belge La 5e couche (point de planches mais les livres eux-mêmes dont la version des Schtroumpfs noirs de Peyo et Delporte imprimée avec une seule couleur, le cyan, soit le bleu de l’imprimerie offset).

Dans un autre lieu, situé à quelques pas du salon, à l’Académie du climat, se tenaient deux autres expositions (« maritimes »), « Dessiner le grand bleu » (avec notamment Gaétan Nocq) et « Méditerranée » (Edmond Baudoin) que j’ai loupées, de même que les rencontres avec les sus-nommés et les deux master class, l’une avec Virginie Augustin, l’autre avec Fabrice Neaud.

Heureusement, je me rattraperai en partie puisque les deux expositions sont visibles jusqu’au 21 décembre. Académie du climat, 2 place Baudoyer, 75004 Paris. Entrée libre.

Xavier Mussat à la BPI le 28 novembre.

Autre co-créateur avec Fabrice Neaud (et d’autres) des défuntes revue et éditions ego comme x, Xavier Mussat était invité le jeudi 30 novembre à la BPI du Centre Pompidou pour y parler de son travail, en particulier des Pistes invisibles (Albin-Michel), tenant des propos souvent techniques et toujours passionnants, avant d’animer dans la foulée un atelier (auquel je n’ai pas assisté).

Le même exposera des originaux de ses différents livres (Carnation, Sainte Famille, Horst, Les pistes invisibles, les Reitres, Infinite Loss) plus trois autres formant le récit complet qui m’avait tant ébloui en janvier 1994, lors de la première exposition collective d’auteurs ego comme x au Festival d’Angoulême où j’avais en même temps découvert Vincent Sardon et Fabrice Neaud.

Galerie Cécilia F. 4 rue des Guillemites, 75004 Paris. Du 7 au 21 décembre (mercredi au vendredi de 15h à 19h + samedi et dimanche de 11h à 19h). Une signature est prévue le samedi 7 décembre de 15h à 19h.

(Dans le même lieu, jusqu’au 6 décembre, sont exposées des planches du Concours national étudiant organisé par les CROUS, dont le SoBD est partenaire.

J’oublie mille choses comme les ateliers animés par Pierre Cornilleau (dont un sur la réalisation collective d’un fanzine) ou comme la remise du Prix SoBD 2024 à, je cite, « l’étude magistrale » d’Erwin Dejasse intitulée La Musique silencieuse de José Muñoz et Carlos Sampayo, parue dans la collection Iconotextes des Presses Universitaires François Rabelais de Tours. Le plus simple est encore d’aller sur le site voir ce que vous avez raté. Les nombreuses photos des événements de Suzy Lagrange ne manqueront pas d’y être bientôt mises en ligne. Il faudra vous contenter des miennes en attendant (si vous en trouvez certaines moins moches qu’habituellement, c’est qu’elles ne sont pas de moi).

Sinon, quoi d’autres ?

Deux séries de l’émission À voix nue de France-Culture diffusées très récemment, consacrées à Benoît Peeters et Emmanuel Guibert.

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/a-voix-nue/les-appetits-de-la-jeunesse-7662610

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/a-voix-nue/un-amour-filial-fondateur-9245040

Et Dessin comtois, une nouvelle revue consacrée aux dessinateurs de Franche-Comté (pas nécessairement de bande dessinée) à paraître bientôt, dirigée par Gilles Poussin avec Jean Cézard pour premier invité.

Contact : dessins.comtois@gmail.com